« LE RAP AVANT LA TEMPÊTE #1 » – ANALYSE

Faisons un bond de presque 6 ans en arrière. Vous êtes en janvier 2015, votre grande tante vous souhaite une énième fois une belle et merveilleuse année, il fait froid dehors, vous vous consolez en mangeant les restes de chocolats de Noël quand tout à coup, vous apprenez la sortie d’un tout nouveau son de Bigflo et Oli ! Ni une, ni deux, vous attrapez votre tout nouveau casque dernière génération fraîchement reçu quelques jours plus tôt, vous ouvrez Youtube et là… « Le rap avant la tempête » envahit vos yeux et vos oreilles ! Zoom zoom zoom…

Basé sur un thème égotrip où Bigflo et Oli s’amusent à casser les codes qui dictent l’image du rap, ce freestyle leur sert surtout à démontrer et imposer, une nouvelle fois, leur style. Certes, « Gangsta » avait déjà donné le ton sur ce sujet quelques mois plus tôt, mais cette fois-ci, c’est avec un style plus ironiquement « trash » que les frères s’expriment. Effectivement, tout est réfléchi et calculé dans ce but, de la première seconde du clip aux premiers mots du texte. On le sait, pour beaucoup, le rap doit être violent et imposant, tant dans ses paroles que dans le message qu’il met en avant. Il doit y avoir du « clash », du « cash » et des gros biscotos. C’est l’image qui prime. La technologie et l’auto-tune amélioreront le reste. L’égotrip est une démarche courante dans le milieu et Bigflo et Oli, en tant que rappeurs, ne dérogent pas à la règle. Ils disent faire du rap, alors donnons aux fans de rap ce pour quoi ils ont été conditionnés, pour leur faire plaisir, rappons « à la mode ». Mais ce serait naïf de croire les frères si influençables. Alors même quand on leur demande « d’être » un peu plus « rap », ils le sont…à leur manière.

C’est par la maturité de leurs mots et la justesse de leur talent que Bigflo et Oli ont su se démarquer dans leur EP avec « Monsieur Tour le monde » ou encore « Jeunesse Influençable ». « Le rap avant la tempête », bien que centré égotrip, est fidèle à ses créateurs.

Les couplets de ce son suivent, tout deux, la même évolution. Les frères commencent par dénoncer le sujet de leur « clash » avant de centrer ensuite le discours sur eux-mêmes et de terminer d’une manière explosive et frappante qui laisse sans voix l’auditeur. Mais, cette similitude est aussi complémentaire. Là où Flo axe sa critique sur le comportement des rappeurs – « Aucun de ces rappeurs ne sont des types respectables, ils ne font que de la merde ou bien se donnent en spectacle » Oli, lui, l’oriente davantage vers l’image qu’ils renvoient – « Ils nous parlent de bloc, de Glock, de codéine, font l’apologie d’la violence, et de la cocaïne. Le budget d’leurs clips ? Une voiture de loc’, une pauvre fille en string, une boite de protéines ».

Ainsi, à eux deux, ils dénoncent tout ce qui les dérangent dans le monde du rap, stigmatisant les rappeurs avec un vocabulaire avilissant, les traitant « d’imposteurs », de « victimes » ou encore de « guignols » faisant un « genre de son » qui a « trop saoulé » Flo et dont Oli aurait « honte de faire partie de [leurs] classements ». En contre-partie, ils ne manquent pas de se valoriser eux-même (égotrip oblige), toujours avec style et finesse dans la construction de leurs phrases ou les mots employés. En effet, certaines répliques des frères sont comme des coups de poing à elles-seules. C’est le but de l’égotrip, bien évidemment et c’est exactement ce que l’on veut : du clash. Mais là où Bigflo et Oli sortent du lot, c’est qu’ils ont compris que les clashs pouvaient être tout aussi justes et subtil qu’explosifs et poignant.

Effectivement, Bigflo et Oli mènent également ce clash égotrip dans la construction de leur texte, autant sur le rythme que sur les sonorités de ce dernier. Bien évidemment, les rimes et les jeux sur les sons sont omniprésents. Dés le début, Bigflo commence fort avec une allitération en -d, puis une autre en -t suivi d’une assonance en -o. Le tout, en seulement quatre phrases. Cela, en plus de donner le ton pour le restant du morceau, saccade le rythme et donne une impression d’attaque, comme des coups qui fuseraient, lancés d’entrée de jeu et créant un effet de surprise.

« Nous, on débite que des rimes de barges, ils ne font que de la Pop, ou bien du Reggae Dancehall. Au cas où tu nous connaîtrais pas, mon frère à mes côtés, mon nom à moi, c’est Bigflo
Ouais, moi, c’est Bigflo, faut que j’enclenche la nitro, les ti-pe tisent trop, racontent des mythos
Différence de niveau au microretourne au bistrot draguer des michtos ».

Et encore une fois, les frères se complètent. En effet, c’est à la fin de son couplet qu’Oli, lui, cogne de ses mots de la même manière que Flo, avec une allitération en -t, des assonances en -é et en -ou mêlées à une triple rime riche en -eur, laissant ainsi le morceau se terminer sur une note de fierté (créé par le son -é) dont le travail de recherche sur la construction est indéniable.

« T’as écouté, t’es dégoûté, et j’ai même pas l’âge de ta sœur, embobiné, tu restes figé, mon flow comme un coup de taser. Je pourrais continuer des heures, l’ambition d’un vainqueur et ton rap périmé nous contamine, hé, sale arnaqueur. Nous, on fait ça pour la foule, avec les gars c’est pour toujours, j’ai peur de m’écrouler un jour, noyé dans le blues et dans tous mes pleurs… « 

De plus, ce qui est remarquable dans ce morceau, c’est l’utilisation de nombreuses figures stylistiques créant des jeux de mots et de sonorités qui rythment et renforcent ce clash. Et une de ces figures de style rondement bien utilisée dans ce freestyle est la prosonomasie. Elle consiste à faire allusion à la ressemblance de sonorités se trouvant entre différents mots dans une même phrase. Elle peut être subtile comme au début du couplet de Flo : « racontent des mythos, différence de micro […] draguer les michtos » ou plus poussée comme ici : «  Oh oui, je suis loco, j’prends jamais de coco’j’ai deux/trois têtes de MCs enfermées dans des bocaux. Donc voilà le topo, amigo, j’suis pas ton poto, j’calcule les totaux, range tes biscotos, ma vie, c’est un Loto. Oh oui, je suis loco, Biggy sur le logo, ça clash sur le net, ensuite ça demande des photos ». Mais elle peut être aussi indéniablement marquante, comme ici, dans le couplet d’Oli : « je les fais tomber comme des dominos, ils sont dominés par les deux minots. Abominables, leurs abdominaux leur servent à que dalle, face au micro, j’écrase ta libido d’ado minable ». Cela donne encore plus de crédibilité à leur égotrip, prouvant à leurs auditeurs que leurs textes sont recherchés et que rien est laissé au hasard. Et ce n’est pas tout, entre autres, Oli nous offre également une jolie métaphore personnifiée : «  le cœur de la musique ici n’a plus de battements » et Flo un magnifique parallélisme aux allures de slogan pouvant rythmer leur début de carrière : « Ils vous donnent de la haine, on vous donne de l’amour ».

Enfin, comme pour accentuer l’égotrip, les frères s’amusent littéralement avec les mots au même titre qu’ils semblent s’amuser dans ce freestyle, donnant une sensation de facilité dans leur façon de mener ce « clash » face au rap français. Nous avons pu le remarquer, plus haut, avec les jeux sur les sonorités mais aussi ici, dans cette partie du couplet d’Oli, où l’assonance en -oé rappellent l’interjection « Olé » synonyme d’encouragement et de réussite dans les corridas et les férias : « On fait que déconner, les rageux sont affolés. Les menteurs on les connaît, tu veux jouer les taureaux ? Olé ! » Aussi, ce côté « joueur » fait écho à leur jeune âge et au fait qu’ils sont souvent catalogués comme des enfants venant rivaliser avec les plus grands noms du rap.

Et l’on ne retrouve pas cela uniquement dans leur texte mais également dans leur clip. En effet, ce dernier est entièrement basé sur un humour qui s’appuie sur leur côté « grand enfant » menant une vie simple et banale. Après avoir pris le contre-pied en proposant un texte très recherché s’opposant aux textes sans fond ni forme des rappeurs qu’ils dénoncent, ils prennent aussi le contre-pied des clips de rap souvent très bling-bling en proposant une vidéo freestyle on ne peut plus simple. Dés les premières images, le décalage est présent : une porte grinçante mettant plus de 10 secondes à s’ouvrir sur un garage on ne peut plus normal et dévoilant Flo et Oli avec leurs amis, autour d’un canapé, en train de prendre un très grand plaisir à chanter avec conviction le générique de Pokémon, bras dessus, bras dessous. Ils frappent encore plus fort en faisant passer ce freestyle pour un défi qu’on leur donne, plus qu’une réelle envie, pour « rapper à la mode », ce qui constitue bel et bien une raison plus qu’enfantine qui contribue à l’ironie qu’ils veulent mettre en avant dans le clip. Et comme si cela ne suffisait pas, nous pouvons observer leurs amis s’amuser pendant que Flo et Oli rappent, se faisant des passes avec un ballon, dansant, riant, reprenant avec eux, en chœurs, la fin de certaines phrases, parfois en les mimant. Cette scène est remplie de complicité et nous procure, nous aussi, un sentiment d’amusement qui amène automatiquement une sensation de sympathie pour ces deux rappeurs toulousains. Et oui, parce-qu’en plus de nous avoir démontré à quel point ils pouvaient être talentueux, ils nous démontrent également qu’ils sont malins. En effet, cette sympathie reflète aussi énormément de sincérité dans leur façon de nous présenter leur rap et leur univers, et ce sentiment positif qui nous envahit rend Bigflo et Oli encore plus convaincants. Aussi, la fin du clip nous laisse croire à une vidéo tournée par erreur, naïvement, accentuant encore plus le côté enfantin, maladroit et ridicule de la scène venant à la fois crédibiliser leur côté sincère, humble et menant une vie tout à fait banale, tout en parodiant l’hypocrisie des rappeurs qui s’inventent une vie luxueuse dans leur clip afin de donner une illusion d’importance.

Ainsi, comme nous avons pu le constater, tout est calculé dans ce morceau, rien est laissé au hasard et tout a son importance. Bigflo et Oli partent, certes, en freestyle, mais ils gardent le contrôle sur tout ce qu’ils font, du début du clip, à la fin de leur texte. Et à en croire le titre de ce son, ce n’est que le début. En effet, quand on analyse la force du « rap » façon Bigflo et Oli, on est en droit de se demander quelle sera la puissance de leur « Tempête »…. To be continued.

Elo-Esperanza

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