
Image de Ludwig BICKEL
On en rêve tous, d’un changement de vie. Quand ça ne va pas, que notre cœur est meurtri, quand la douleur sur votre corps résonne comme un cri. On a tous des rêves en tête, mais la réalité de la vie nous rattrape souvent, nous obligeant à revoir nos objectifs, retravailler nos plans de vie pour s’adapter à elle au lieu qu’elle s’adapte à nous. Parfois, c’est la facilité qui prime, souvent, c’est la fatalité.
Mais il arrive un moment, où on ne peut plus ignorer notre souffrance car notre corps et notre âme nous rappelle à l’ordre. Plus qu’un avertissement, un ultimatum : « C’est ça où tu vas y laisser ta vie, au sens propre comme au sens figuré du terme. »
Ce n’est que lorsque que l’on est au pied du mur que l’on devient soudain en capacité de comprendre dans quel état on est. Malgré, bien souvent, les avertissements de nos proches, il nous faut presque toujours un électrochoc pour qu’on ouvre vraiment et réellement grands les yeux quand jusqu’à présent ils étaient mi-clos.
La maladie – ou bien pouvons nous entendre dans la langue des oiseaux : « le mal à dit » comme un fin poète me l’a fait remarquer il n’y a pas longtemps – est bien souvent notre alerte rouge. Elle peut effectivement être physique, et auquel cas, le repos forcé est visible, facilement pris en charge, et surtout, il est reconnu. Mais bien souvent, il est psychique, non-visible, difficilement identifiable, flou, subjectif, et par conséquent, mal reconnu. Et c’est bien entendu de cette manifestation du mal que je veux aborder dans cet article : le burn-out, la dépression.
La dépression est définie comme étant « un trouble mental courant se caractérisant par une tristesse, une perte d’intérêt ou de plaisir, des sentiments de culpabilité ou de dévalorisation de soi, un sommeil ou un appétit perturbé, une certaine fatigue et des problèmes de concentration ». C’est une maladie résultant d’un trouble de l’humeur qui affecte notre vie dans sa globalité. Plus rien n’est beau, plus rien n’est drôle, plus rien n’est bien. Tout est gris, triste, sombre.
Le burn-out, lui, est définit par Le Figaro comme « un état d’épuisement physique, émotionnel et mental lié à une dégradation du rapport d’une personne à son travail. » L’OMS le définit comme « un épuisement professionnel » et ne le classe donc pas comme une maladie, à la différence de sa cousine, la dépression. Pourtant, pour l’avoir vécu, la frontière entre ces deux états mentaux est bien mince. Le problème avec le burn-out, n’est pas la vie que l’on mène, mais le travail que l’on fait et qui nous vampirise tant que nous n’avons même plus d’énergie pour le reste.
Laissez-moi donc vous faire part de mon expérience…

Image de Jeff Jacobs.
En septembre 2015, je suis devenue Professeur des Écoles. Bac + 5, en possession d’un Master, je ne pouvais être que fière de moi. Mais me voilà pratiquer un métier choisi par facilité, plus que par réelle envie, m’étant perdue sur mon chemin vers l’âge de 20 ans. Ce métier me plaisait, certes, sinon je ne me serais pas dirigée dans ce milieu. Enseigner est une belle action alliant bienveillance, partage et générosité. Rien de mieux pour se sentir utile et aider les enfants à s’élever car rien n’est plus beau que de voir la lueur de compréhension envahir leurs yeux quand enfin le déclic leur à fait devenir évident tel ou tel apprentissage. De plus, le sourire qui s’en suit sur leur visage vaut de l’or. Mais les conditions dans lesquelles on nous demande d’enseigner réfutent toute envie ou passion naissante pour ce métier. Et ce, dès les premiers mois : Classe surchargées dans lesquelles on nous demande de faire de la différenciation pédagogique pour les enfants à besoins particuliers tout en nous imposant un rythme et une pratique visant à tous les faire rentrer dans un moule strictement identique pour tous. Le tout, sans aucune aide ni matériels, avec des parents d’élèves nous voyant systématiquement comme leurs ennemis quand ils ne sont pas eux-mêmes dépassés par leurs enfants. Et je ne parlerai même pas des élèves dits « difficiles », enfermés dans des « REP » parce-que le mot que « ZEP » faisait peur, et à qui on flanque des enseignants fraîchement sortis d’école (eux-aussi) pour enseigner à des enfants qui ont justement besoin d’adultes expérimentés… Mais vous comprenez, ne vous fiez pas à l’adage : « les derniers seront bel et bien les derniers, et vous aurez les miettes que les autres ont laissés. Sur ce, « Bon chance » ! »
Bref, j’ai craqué. Marre de partir travailler la boule au ventre le matin et de revenir en pleurs. Marre de ces journées à rallonge où les gens pensent qu’à 16h30 on a fini notre journée, qu’on a tous nos mercredis, nos week-ends et nos vacances de libres (si vous saviez comme c’est faux !). Marre que mon boulot empiète sur ma vie privée à tel point que celle-ci est devenue inexistante. Marre de culpabiliser à chaque fois que je prenais du bon temps au lieu de le passer à me creuser les méninges pour mes élèves. Marre de devoir paraître toujours parfaite face à mes élèves, sans faille. Marre de me demander tous les jours à quelle sauce j’allais être mangée et quelle casquette j’allais devoir porter en classe : celle de l’éducatrice spécialisée, du psychologue, de la deuxième maman ou de la policière que tout le monde déteste ? Je ne sais pas, moi, je ne suis pas un robot et j’ai été formée uniquement pour enseigner, c’est tout…
La chanson qui m’a aidée durant mon Burn out : « Aujourd’hui de Bigflo et Oli »
Ainsi, en 2018, après une première crise d’angoisse au volant de ma voiture, je suis parti en burn-out. Au début, je pensais juste m’arrêter 2 semaines, histoire de reprendre du poil de la bête, de me reposer pendant les vacances d’avril pour mieux repartir, ensuite, à la reprise. Je me pensais juste « fatiguée ». Mais j’ai calé de nouveau, je n’ai pas pu redémarrer. Idem à la rentrée de septembre, quand, au bout de 5 mois d’arrêt, les crises d’angoisse à l’idée de me retrouver à nouveau devant une classe ont refait surface. « Je pense que vous ne pourrez plus jamais reprendre votre travail » me dit mon médecin. « Il vous faut réfléchir à une réorientation« . Mais quelle réorientation ? J’ai un master enseignement, à part enseigner, je ne suis bonne à rien. Et pourtant, à me voir, j’allais bien. J’avais tout pour être heureuse, un diplôme, un bon métier, une famille aimante, des amis, un mari, un chien adorable… Oui, j’allais bien, tout était parfait mais uniquement car je n’allais plus à l’école. Car si d’apparence tout allait bien, c’était le cas uniquement car on m’avait retirée l’élément qui faisait de moi un maillon faible, me rendant ainsi plus forte, me rendant ainsi moi-même. Alors j’ai entendu et subi, de près ou de loin, les regards des gens, parfois de mes proches, pensant que je faisais semblant de ne pas aller bien, que j’étais fainéante, jamais contente, que je ne voulais pas aller travailler… Ils pensent qu’on ne les voit pas, ces gens-là. Mais on les ressent ces jugements, au plus profond de nous. Car quand on est en burn-out ou en dépression, nos émotions et notre sensibilité sont décuplées. Et le pire dans tout ça, c’est qu’on les croit vrais, ces jugements. Et je ne vous parle même pas de la culpabilité que l’on ressent encore plus en regardant son compte en banque, quand, à cause de votre arrêt maladie que certains pensent être du chiqué, vous voyez votre salaire diminuer de moitié… On culpabilise encore plus, se persuadant que c’est nous le problème, pas eux, pas les élèves, pas le travail, nous… Et en plus de ça, on met notre famille dans la merde à cause de la baisse de salaire occasionné… Le problème, c’est tout simplement nous. On se persuade qu’on est bon à rien, qu’on fait que de la merde… Parce que : « Regarde toi, c’est vrai que tu a l’air bien, au final. Franchement, fais un effort. Tu peux reprendre le travail. T’as que 27 ans ! Tu ne peux pas déjà en avoir marre à 27 ans ! » Oui Élodie, fais un effort… Tu es jeune, donc, par conséquent, tu n’as pas le droit de te plaindre !
Mais s’ils savaient tous les efforts qu’on a faits avant de craquer… J’y ai laissé des plumes, à vouloir donner jusqu’à mes dernières heures de sommeil pour sauver non pas un, mais là totalité de tous mes élèves. Parce-qu’ils ont beau être difficiles, si vous saviez à quel point je les aimais quand même… Car eux-aussi, ils sont victimes du système. Mais pour eux, le burn-out, ça n’existe pas. Ça s’appelle « le décrochage scolaire ». Et leurs sentences, à eux, sont, bien souvent, irrévocables. Vous la voyez, la culpabilité qui grandit encore plus dans tout ça ? Être en burn-out, c’est être en perpétuelle remise en question au milieu d’une énorme baisse de confiance en soi. Je vous laisse imaginer le carnage… Pour la petite anecdote : il m’est arrivé d’acheter à un agriculteur qui passait par là 30 kilos de pommes de terre à 90€ (alors qu’on était dans le rouge financièrement) sans me rendre compte de ce que j’étais en train de faire. C’est ça, le burn-out. Et après….c’est juste un cercle vicieux.

Dix-huit mois, c’est le temps que j’ai mis à m’en remettre, de ce burn-out. C’est le temps qu’il m’a fallu pour trouver une solution de réorientation, accepter que je n’avais pas fait 5 ans d’études pour rien. 18 mois, c’est peu, et c’est long à la fois. J’ai eu la chance d’être bien entourée, d’avoir la foi et Dieu avec moi. Sans Lui, je ne suis rien. Et surtout, j’ai eu la chance d’avoir une rage de vaincre telle que j’ai réussi à trouver en moi les capacités pour rebondir. Oui, j’ai chuté, j’ai souffert, j’ai pleuré, ça a été difficile de relever la tête pour croiser le regard des gens qui m’ont vu tomber, mais je me suis relevée quand même. Et j’ai continué à avancer.
Aujourd’hui, je vais beaucoup mieux. J’ai été réorientée dans le corps administratif de l’Éducation Nationale (dans les bureaux), je ne suis donc plus devant élèves. J’ai le sourire, et je renoue avec mes envies premières : l’écriture, la lecture et mon rêve d’être journaliste. Je viens de reprendre mes études par correspondance en Master Lettres Modernes, dans le but d’étudier la Littérature Fantastique jusqu’en thèse, en doctorat. Je paye encore un peu les pots cassés de mon burn-out (surtout de manière financière – le cercle vicieux) mais petit à petit, l’oiseau fait son nid et refait surface. Longtemps j’ai cru avoir perdu mon temps, longtemps j’étais persuadée qu’il était trop tard pour changer de voie et avouer m’être perdue. Mais ce burn-out m’a ouvert les yeux et fait comprendre que je n’étais pas sur le bon chemin. J’ai repris ma vie en main et enclencher ensuite les bonnes vannes pour vivre pleinement ce que je voulais vivre. J’ai finit par faire la paix avec moi-même, a avouer certaines vérités trop longtemps enfouies, j’ai même finit par m’avouer que la vie maritale que je menais ne me convenait pas. J’ai divorcé après 12 ans de vie commune avec mon ex-mari (j’étais avec lui depuis mes 15 ans et demi), j’ai rencontré le véritable homme de ma vie, je suis devenue belle-mère d’un petit garçon de 9 ans, je serais peut-être bientôt maman…Bref… Ce burn-out m’a détruite pour mieux me reconstruire. Je sors de tout ça grandie et forte d’une expérience unique grâce à laquelle j’ai au moins appris et compris cela : désormais je sais ce que je veux et je n’ai plus peur d’oser tenter et être moi ! Comme l’a si bien dit Voltaire : « J’ai décidé d’être heureuse parce-que c’est bon pour la santé ! ».
Film qui m’a remonté le moral durant mon Burn-Out : « The Greatest Showman » de Michael Gracey (2018).
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Une réflexion sur “LE BURN-OUT N’A PAS D’AGE”